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Commission des Champs de bataille nationaux

Plaines d’Abraham

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LE SIÈGE DE QUÉBEC

Stratégie

Armée française Principes et actions

Durant l'automne et l'hiver 1758-1759, le gouverneur de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud, marquis de Vaudreuil et le commandant des troupes de terres métropolitaines, Louis-Joseph, marquis de Montcalm, élaborent leur stratégie pour défendre la colonie. Ces deux hommes, dont les relations sont exécrables, ont des opinions diamétralement opposées quant à la marche à suivre. D'une part, Montcalm pense que l'armée britannique est trop nombreuse pour défendre toutes les frontières de la Nouvelle-France. Compte tenu des hommes, des vivres et des munitions dont il dispose, le général est d'avis qu'il faut absolument réduire le périmètre défensif de la colonie et y consacrer l'ensemble des forces. Au contraire, Vaudreuil pense qu'il est nécessaire de mener la guerre à toutes les extrémités de la colonie. Selon lui, un petit nombre d'hommes suffira à occuper beaucoup d'ennemis.

À l'aube de l'année 1759, la situation de la Nouvelle-France est précaire. Malgré la victoire de Montcalm au fort Carillon l'année précédente, il semble évident à la cour de France que les Britanniques tenteront un nouveau coup de force. On connaît également à Versailles les relations très difficiles qu'entretiennent Montcalm et Vaudreuil, de même qu'on est au fait de  la corruption qui règne au sein de la colonie. Conséquemment, comment réagir?

À la fin de l'année 1758, les autorités coloniales envoient un émissaire auprès du Roi et de ses ministres pour réclamer le soutien de la métropole. Il s'agit de Louis-Antoine de Bougainville, aide-de-camp de Montcalm. Les requêtes du général sont somme toutes assez modestes. Celui-ci est conscient qu'il serait très difficile d'envoyer des renforts en grand nombre compte tenu de la supériorité navale des Britanniques. Il propose donc que la stratégie française soit basée sur le principe d'une diversion. Si la France attaquait les colonies américaines de Virginie et des Carolines qui étaient mal défendues, les Britanniques devraient par conséquent diviser leurs forces. Il serait également possible de provoquer une révolte d'esclaves. Concernant l'aide directe, Montcalm plaide pour l'envoi d'artilleurs et d'ingénieurs de même que de munitions en grande quantité, d'artillerie, d'armes, de différentes fournitures à échanger avec les Amérindiens et de provisions.

De retour à Québec le 10 mai 1759 de sa mission en France,  Bougainville constate que Vaudreuil et Montcalm sont à Montréal. Il leur fait donc suivre les lettres qu'il rapporte de Versailles et qui leur sont destinées. Parmi celles-ci, plusieurs les informent que les Britanniques s'apprêtent à remonter le fleuve et à attaquer le cœur de la colonie. Montcalm quitte donc Montréal pour Québec où il arrive le 22 mai au soir. Le lendemain, il est informé de la présence de navires britanniques à Saint-Barnabé, près de Rimouski. Le général organise dès lors la défense de la ville: on creuse une tranchée à Beauport; on rappelle les régiments qui ont passé l'hiver à Trois-Rivières et à Montréal; on coule deux navires à l'embouchure de la rivière Saint-Charles pour bloquer cette voie d'accès et pour en faire des batteries; on ordonne à la population de cacher les femmes, les enfants et les animaux au fond des bois; etc. On prépare également des brûlots, de petites embarcations remplies de débris inflammables, qui seront envoyés contre la flotte britannique dans le but d'y mettre le feu.

Le général prend également une autre décision qui aura un impact important sur la suite de la campagne. Le premier juin, il ordonne de mettre à l'abri les provisions et les munitions en les entreposant en amont de Québec, soit à Batiscan et même jusqu'à Trois-Rivières. Ainsi, elles ne tomberont pas entre les mains des Britanniques si ces derniers en viennent à prendre la ville, pense-t-il. Or, cette stratégie repose sur la fausse assurance que les Britanniques ne peuvent prendre le contrôle du fleuve en amont de Québec.

Quoi qu'il en soit, lors de l'arrivée de l'armée de Wolfe le 27 juin 1759, l'endroit le plus vulnérable pour un débarquement, soit la côte de Beauport, est protégé par des ouvrages militaires de même que par la majorité des hommes disponibles, grâce aux actions mises en œuvre par Montcalm en mai.

De façon plus théorique, la stratégie de Montcalm, devant l'invasion britannique, est surtout défensive et est orientée en grande partie vers l'est de la ville. Ainsi, la côte de Beauport et la rivière Montmorency retiennent particulièrement l'attention de Montcalm. Plusieurs ouvrages défensifs sont mis en œuvre pour assurer la sécurité de la ville : estacade, muraille, tranchée, palissade, redoute, bastion81.

Les efforts défensifs faits par Montcalm sont concentrés presque uniquement sur la rive nord, ce qui, par conséquent, amène l'abandon de positions importantes sur la rive sud aux mains de l'ennemi, comme à l'île d'Orléans et à Lévis. Au plan naval, encore une fois, peu d'actions sont mises en œuvre pour s'assurer une supériorité sur le fleuve – Montcalm pense qu'aucun navire d'importance ne peut passer devant Québec en raison des difficultés à naviguer sur le fleuve. Notons toutefois comme stratégie, à l'approche de la flotte anglaise en juin, l'enlèvement des aides à la navigation au large de l'île d'Orléans (la « Traverse ») et leur remplacement par des faux. Du côté français, on fondait beaucoup d'espoir en cet obstacle naturel. Or, il n'a fallu que quelques jours à la marine britannique pour reconnaître la « Traverse », c'est-à-dire le voie de navigation du Cap Tourmente jusqu'au sud de l'île d'Orléans, et ainsi ouvrir la voie vers Québec.

Les initiatives offensives de l'armée française pour défendre la ville sont très peu nombreuses. En juillet, Montcalm souhaite lancer une expédition pour déloger les Britanniques de l'autre côté de la rivière Montmorency, mais les officiers optent plutôt pour une défensive prudente. De plus, les quelques attaques menées par les Français s'avèrent être pour eux catastrophiques. On pense notamment aux brûlots ou encore à l'expédition qui a pour mission de déloger les Britanniques de Pointe-Lévy. Cette dernière échoue avant même que le détachement ne se soit approché de l'ennemi.

Bref, la stratégie de Montcalm et Vaudreuil durant le siège de 1759 est presque strictement défensive, et ces derniers comptent beaucoup sur les renforts de la métropole – qui ne viendront pas – et les défenses naturelles de la ville pour s'assurer le dessus lors des affrontements. Or, si infaillibles qu'elles apparaissent, ces frontières naturelles vont s'avérer insuffisantes pour arrêter les Britanniques.

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